A l'avenir, les modèles de contrats traditionnels et les standards existants devront mettre l'accent sur la réussite du projet de construction et non sur le transfert des risques. Il est utile de réfléchir à de nouveaux modèles de contrats, comme les contrats d'alliance, pour les grands projets complexes.
Carlo Peer* | 04.04.2025
*Docteur en droit Carlo Peer, avocat spécialiste FSA du droit de la construction et de l'immobilier. Il exerce en tant qu'avocat spécialiste du droit privé et public de la construction et de l'immobilier au sein du cabinet VIALEX-Rechtsanwälte AG Zurich/Klosters dont il est partenaire.
Les personnes qui construisent évoluent dans un cadre juridique défini principalement par les parties contractuelles elles-mêmes, par des lois et par les règles reconnues de la construction. Les intervenants soumis à ces dispositions se focalisent de plus en plus sur la réduction de leurs propres risques dans le contrat. Cette préoccupation semble compréhensible, d'autant plus qu'elle est partagée par les autres parties. Mais dans le secteur de la construction, un transfert des risques est loin de s'avérer toujours judicieux et encore moins efficace, car il met l'accent, dès avant la fourniture des prestations, sur des aspects secondaires qui surchargent le contrat de construction (p. ex. avec des CG excessives).
La raison est simple: le contrat d'entreprise de droit privé (art. 363 et suivants CO) est établi de sorte que chaque partie (c.-à-d. le maître d'ouvrage et l'entrepreneur) défend ses propres intérêts et assume seule une partie des risques. Par exemple, le maître d'ouvrage aspire à une sécurité de rémunération qu'il essaie souvent d'obtenir par des prix fixes, mais il supporte simultanément les risques de rémunération sous forme de coûts supplémentaires en cas de modification des conditions du projet. Le maître d'ouvrage est surtout exposé à des risques de pénalisation si les documents transmis par ses soins et censés préciser les prestations attendues des entrepreneurs (descriptif, plans, etc.) sont lacunaires. Au vu du contrat d'entreprise de droit privé, le maître d'ouvrage est tenté de transférer ces risques à l'entrepreneur, par exemple en associant des prix fixes à une clause à caractère exhaustif:1
«L'entrepreneur doit exécuter à ses frais toutes les prestations non décrites expressément dans le descriptif qui sont nécessaires à l'édification d'un ouvrage clés en main, fonctionnel, sans défectuosités, prêt à être occupé et opérationnel, dans les délais.
Le prix forfaitaire comprend donc tous les coûts des prestations convenues conformément au descriptif et aux autres éléments du contrat. Le maître d'ouvrage ne doit aucune rémunération supplémentaire pour les prestations non expressément décrites dans le descriptif, mais néanmoins nécessaires à la bonne exécution des prestations convenues.»2 Ces clauses peuvent sembler judicieuses au maître d'ouvrage, car elles transfèrent apparemment les risques à l'entrepreneur.
Il s'agit toutefois d'une réflexion trop limitée et peu pertinente pour le projet en lui-même. Une attribution contractuelle trop unilatérale des risques engendre des conflits entre les intervenants, dès la phase d'étude et l'exécution. Cela nuit à la recherche constructive, pragmatique et rapide de solutions, occasionne des coûts supplémentaires, entraîne des retards et suscite un état de méfiance réciproque.3
Je dresse un simple constat, mon propos n'est pas de dire que les modèles contractuels traditionnels ne fonctionnent pas ou plus. Ils se sont établis dans la pratique et sont aussi le bon outil pour délimiter le cadre juridique de nombreux petits projets. Ici, la volonté des parties de se prononcer ou non pour des solutions équilibrées dans les contrats d'entreprise est tout à fait déterminante. Le problème n'est donc ni le droit privé du contrat d'entreprise, ni les modèles de contrat traditionnels, mais l'absence de cadre rédactionnel dans les contrats d'entreprise, associée à des priorités juridiques erronées.
Dans le cas de projets complexes de grande envergure, il arrive que les modèles de contrat traditionnels se heurtent à leurs limites, car ils créent parfois les mauvaises incitations. Celles-ci ont des «effets indésirables», tels que des échanges insuffisants entre les acteurs de la construction. Il existe différentes solutions envisageables pour cette problématique:4
A mes yeux, les alliances de projet ne fonctionnent que si l'ensemble des acteurs d'un projet intègrent l'alliance. Le travail en amont sera naturellement plus important, car les parties à l'alliance doivent d'abord se rencontrer, puis définir ensemble les paramètres contraignants de l'alliance, une étape qui nécessite toujours de tenir compte du projet concret. C'est la raison pour laquelle le contrat d'alliance se prête principalement aux grands projets de construction.
Dans la mesure où ils facilitent la compréhension commune et donc coopérative des intervenants, les standards joueront un rôle essentiel dans le cadre de la réduction de cette charge de travail et de l'encouragement des alliances de projet dans le secteur de la construction. Toutefois, pour remplir cette mission, les standards doivent être en phase avec les tendances actuelles de la numérisation.
Die Standards können diese Aufgabe indes nur erfüllen, wenn sie mit den bestehenden Digitalisierungstendenzen Schritt halten können.
Incontournable et plébiscité au quotidien dans la construction, le CAN semble prédestiné à servir de base standardisée pour les maquettes numériques coopératives. Un lien direct entre les maquettes numériques et les descriptifs reste néanmoins encore à établir: les standards et outils permettant de convertir les informations des modèles 3D en spécifications basées sur le CAN manquent cruellement. Il s'agira, à l'avenir, de bâtir ce pont en créant des standards ou en les adaptant. Pour que toutes les parties puissent bénéficier des nouveaux développements, il faut continuer de garantir la compréhension mutuelle entre les acteurs de la construction. Cela implique de relier les maquettes numériques basées sur les parties d'ouvrage aux articles CAN courants utilisés intensivement dans la pratique. CRB s'occupe actuellement d'établir cette liaison. L'avenir montrera si cela réussit et sous quelle forme.
Ni les modèles de contrat courants (contrat de construction, contrat d'étude, etc.) ni les standards existants (CAN, CFC, etc.) ne sont dépassés. Au contraire, ils continueront d'être beaucoup utilisés à l'avenir, car ils ont fait leurs preuves dans la pratique. Il n'y a aucune raison de remettre en question des modèles de contrat et des standards éprouvés de longue date. Pour perdurer, leur utilisation doit toutefois être axée en priorité sur la réussite du projet et non sur le transfert des risques. On bâtit mieux en s'entraidant qu'en s'affrontant.
Pour les grands projets de construction complexes, les modèles traditionnels se heurtent désormais à leurs limites et cela justifie de réfléchir à de nouveaux modèles de contrat. Le résultat sera nettement meilleur si ces nouveaux modèles sont accompagnés de nouveaux standards.